Une enquête, réalisée par des journalistes, révèle que trois grandes chaînes de supermarchés ont décidé de ne pas mettre en vente des produits en provenance des colonies israéliennes.
L’affaire a été révélée la semaine dernière par le quotidien néerlandais Trouw , sur la base d’une enquête de terrain réalisée auprès des grandes chaînes néerlandaises de super et hypermarchés. Pour éviter que les produits commercialisés dans leurs rayons ne « suscitent une quelconque controverse auprès des consommateurs » , trois grandes enseignes, Aldi, Hoogvliet et Jumbo ont spontanément demandé à leurs fournisseurs de ne plus leur livrer de produits en provenance du Golan, de Jérusalem-Est et de Cisjordanie.
La révélation de ce « boycott », qui concernerait essentiellement des produits agricoles, a suscité l’agacement du ministère israélien des affaires étrangères, qui a qualifié la mesure d’« absurde », précisant qu’elle n’était pas de nature à aider les Palestiniens. Les organisations d’aide aux agriculteurs palestiniens se sont au contraire félicitées de la démarche, invitant d’autres pays européens à suivre cet exemple. À la suite de ces réactions, les directions des enseignes néerlandaises concernées se sont rétractées, se défendant d’organiser « un boycott actif » et récusant l’idée de mener un combat politique.
« Les grandes chaînes de magasins n’ont sans doute pas anticipé toute la portée politique de leur décision et se sont fait un peu piéger, confirme Laurent Chambon, politologue à Amsterdam. Elles veulent avant tout satisfaire les consommateurs néerlandais qui, fidèles à une tradition toute protestante, sont extrêmement sensibles à une certaine éthique de consommation, et de plus en plus exigeants par rapport à la traçabilité des produits qu’ils achètent. »
En réalité, la question de savoir quelle attitude adopter par rapport aux produits des Territoires occupés fait débat depuis plusieurs mois aux Pays-Bas. En mars dernier, toujours par souci d’ « informer correctement les consommateurs quant à l’origine des produits » , le ministère des affaires économiques néerlandais avait voulu imposer un étiquetage plus précis que le simple « made in Israël » aux produits originaires du Golan, de Cisjordanie et de Jérusalem-Est.
Une manière de rappeler aussi que l’occupation et l’expansion des colonies juives restent illégales au regard du droit international. Le ministère des affaires étrangères israélien avait vivement réagi : « Si les Pays-Bas veulentinformer leurs citoyens que certains produits viennent de territoires controversés, ils doivent le faire pour les territoires controversés du monde entier, avait déclaré son porte-parole. Si cela s’applique uniquement à Israël, c’est de la discrimination. »
L’application de cet étiquetage différencié a finalement été reportée en raison de divergences internes sur la question au sein du gouvernement et du parti libéral (VVD) du premier ministre Mark Rutte. Sur ce point, les PaysBas attendent également les directives de Bruxelles. En mai 2012, les États membres de l’UE avaient publiquement affirmé leur intention d’ « appliquer pleinement la législation européenne et les accords bilatéraux avec Israël » qui excluent explicitement les biens produits dans les colonies du régime préférentiel d’exonération des droits de douane.
Mais, jusqu’à présent, malgré les démarches menées en ce sens par la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères, Catherine Ashton, aucun calendrier précis n’a été décidé pour rendre obligatoire un étiquetage au niveau des 28 pays de l’UE. Et selon certaines sources, les dernières discussions européennes sur le sujet auraient été récemment reportées pour « éviter de compliquer » la reprise toute récente des négociations de paix israélo-palestiniennes.
La question de savoir quelle attitude adopter par rapport aux produits des Territoires occupés fait débat depuis plusieurs mois aux pays-Bas.